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visita tour à tour l humble tente des missionnaires moraves,
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Évangéline
les camps bruyants et les champs de bataille, les hameaux
solitaires et les grandes villes; semblable à un fantôme, elle
arrivait et disparaissait, sans laisser nulle part même un
souvenir.
Lorsqu elle avait commencé ce long et douloureux
voyage, elle était jeune et belle; maintenant, elle était vieille
et flétrie; ses cheveux avaient blanchi, bien plus sous le poids
des peines et des chagrins que sous celui des années. Le
temps qui lui enlevait chaque jour de sa jeunesse et de sa
beauté, creusait au fond de son coeur un sillon plus profond
de tristesse et de ténèbres.
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Évangéline
Chapitre V
Sur les bords délicieux de la Delaware, à l ombre des
forêts, s élève Philadelphie, la ville des Frères, des Amis,
fondée par Penn, le chef de l association des quakers51.
Évangéline, après une vie errante et tourmentée, pauvre et
exilée, trouva là une patrie et un foyer. Là aussi était venu
mourir René Leblanc, le notaire de Grand-Pré, n ayant plus
auprès de lui qu un seul de ses nombreux descendants. Là, au
moins, elle retrouvait un souvenir de sa chère Acadie; le
tutoiement usité parmi cette population lui rappelait son
humble village, où les hommes se considéraient comme tous
égaux et vivaient en frères.
Après tant de démarches infructueuses et de vains efforts,
sans toutefois oublier Gabriel, ses pensées se tournèrent vers
le ciel. Cependant l image de son fiancé restait toujours
gravée au fond de son coeur; elle le revoyait tel qu elle
l avait quitté le jour où les soldats anglais avaient chassé les
paisibles Acadiens de leurs foyers. Le temps qui s était
écoulé l avait transfiguré à ses yeux; il était pour elle, non
plus comme un absent, mais comme quelqu un qui est mort.
Sa vie d épreuves et de malheurs lui avait enseigné la
patience, l oubli d elle-même et le sacrifice de sa personne à
autrui. Son amour s était élargi et s étendait désormais à tous
ceux qui vivaient autour d elle, semblable à ces aromates qui,
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Secte protestante répandue en Angleterre et aux États-Unis.
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Évangéline
sans s épuiser, ni s anéantir, remplissent l air de leur subtil
parfum.
Dès lors, elle résolut de donner sa vie aux humbles et aux
souffrants. C est ainsi que, sous le nom de Soeur de la
Miséricorde, on la vit pendant longtemps visiter, dans la cité
populeuse, les toits misérables et abandonnés où se cachaient
les pauvres honteux et les misérables languissant sur des
grabats. La nuit, quand tout le monde dormait, sauf le veilleur
qui parcourait les rues silencieuses, on la voyait, sa lampe à la
main, courir au secours de quelque misère ignorée. Le matin,
les métayers qui apportaient au marché leurs fleurs et leurs
fruits, rencontraient cette sainte femme au doux visage pâli
par la fatigue, qui regagnait sa modeste demeure, après une
nuit passée au chevet de quelque moribond dont son coeur
compatissant avait entendu l appel.
À cette époque, Philadelphie fut ravagée par une épidémie
qui fit bien des victimes; la beauté, la richesse, rien ne fut
épargné par le redoutable fléau. Les pauvres, sans amis, sans
serviteurs, allaient mourir à l hôpital, cette maison de ceux
qui n en ont point; cet asile de la charité s élevait alors au
milieu des bois et des prairies; il se trouve aujourd hui au
centre de la ville. Mais au milieu des splendeurs de l opulente
cité, ses humbles murailles, sa porte et son guichet, toujours
modestes, semblent répéter doucement ces paroles du
Sauveur : « Vous aurez toujours des pauvres parmi vous! »
C est là que, nuit et jour, venait la Soeur de la
Miséricorde. Lorsqu elle entrait, les malades se levaient sur
leur séant, comme réconfortés par l expression de douceur
qui brillait sur son visage; elle était tellement bonne et
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Évangéline
compatissante que ces moribonds, à sa vue, semblaient sentir
leur douleur diminuer.
Un dimanche matin, avant de faire sa visite habituelle, elle
s arrêta quelques instants dans le jardin, pour cueillir des
fleurs qu elle voulait offrir à ses chers malades. En montant
les marches du corridor, elle entendit le carillon de l église
suédoise de Wicaco; ces sons graves et mesurés répandirent
dans son âme un calme inexprimable; il lui sembla qu une
voix intérieure lui disait : « Enfin, tes épreuves vont avoir un
terme! »
C est sous l empire de cette pensée qu elle entra dans la
salle des malades.
Les gardes, soigneuses et vigilantes, allaient de lit en lit,
humectant légèrement les lèvres de fiévreux, et fermant
silencieusement les yeux de ceux que la mort venait de
frapper.
Plus d une tête se releva lorsque Évangéline entra, et la
suivit longtemps du regard; car pour tous, sa présence était
une joie, semblable à un rayon de soleil qui tombe sur les
murs d un cachot. En regardant autour d elle, elle vit que,
depuis sa dernière visite, la mort avait fait bien des vides; que [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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